Convention citoyenne des Transitions de la Métropole de Rouen, quelles suites ?
La Convention citoyenne des Transitions de la Métropole de Rouen a réuni une centaine de citoyennes et citoyens au cours de 5 sessions de travail, de septembre 2023 à juin 2024. Elle s’est inscrite dans le cadre de la révision de trois documents structurants : le schéma de cohérence territoriale (SCoT), le plan climat air énergie territorial (PCAET) et le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi).
Le dispositif a été mis en place et animé avec l’aide de Res publica.
A l’heure de la remise du rapport, nous sommes revenus sur cette convention avec Isadora Guerra, responsable du service participation citoyenne de la Métropole.

Dans quel cadre la convention citoyenne s'est-elle inscrite ?
Isadora Guerra : En tant que responsable participation citoyenne de la Métropole de Rouen, j’avais envie de mettre en place une convention citoyenne depuis longtemps, mais j’attendais le sujet idéal. De plus, les élus de la Métropole étaient également demandeurs de l’organisation d’une convention. Lors de la révision du schéma de cohérence territoriale (SCoT), du plan climat air énergie territorial (PCAET) et du plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi), il fallait définir un projet de territoire à l’horizon 2050, en concertation avec la population. Cela me paraissait donc la bonne occasion pour nous lancer dans l’organisation d’une convention !
La convention s’est inscrite dans une concertation plus large sur l’avenir de la Métropole de Rouen à l’horizon 2050, ce qui a rendu les deux dispositifs complémentaires. Ce qui est ressorti de la convention citoyenne a été très riche, mais nous savions dès le début qu’il n’allait s’agir de l’avis que d’une petite part de la population. Il était donc essentiel d’élargir au grand public, mais aussi aux agents de la Métropole, aux élus et agents des communes, au monde associatif, économique et aux syndicats. Pour cela, nous avons créé des instances de gouvernance et concertation internes et externes à la collectivité. Nous avons créé une assemblée des communes et organisé une séquence d’ateliers de travail avec notre conseil de développement. Nous avons mis en place un kiosque qui a sillonné le territoire, ce qui a permis d’aller directement à la rencontre des citoyens, un questionnaire en ligne et des réunions publiques participatives. Le but était de démultiplier les dispositifs pour toucher un maximum de personnes.
Pourquoi une convention citoyenne ? Quel est l'intérêt particulier ?
Isadora Guerra : Puisque c’était la première convention organisée par la Métropole, il fallait défendre le projet auprès des collègues qui pouvaient être un peu sceptiques à l’idée de solliciter les citoyens sur la définition même du projet du territoire.
Nous nous sommes posé la question du recrutement : allait-on faire un appel à volontaires, ou plutôt un tirage au sort sur listes électorales ? Nous avons privilégié le volontariat, car nous n’avons pas voulu brusquer les citoyens. Cependant, il fallait qu’un maximum de personnes puisse avoir l’opportunité de se porter volontaire. Nous avons sillonné le territoire pour expliquer la démarche et inviter les gens à participer. Nous nous sommes rendus en gare, sur les marchés, à l’Armada[1]… Nous avons reçu plus de 400 candidatures ! Nous avons donc effectué un tirage au sort de 100 citoyens avec huissier, tout en respectant certains critères (genre, lieu d’habitation (espace urbain, cœur de ville, communes, bourgs et villages), tranche d’âge). Malheureusement, nous n’avons pas eu tous les types de CSP que nous aurions voulu. La catégorie ouvrière par exemple, pourtant très présente sur le territoire, manquait.
L’intérêt principal de la convention a été la méthode conçue par Res publica. Nous avons travaillé avec des citoyens volontaires ; il ne fallait donc pas les décevoir. Sur 5 sessions de travail, nous avons eu le temps de voir émerger le débat, les sujets de dissensus, et la façon dont on arrive à un consensus. Ce fut une expérience riche pour tout le monde : les citoyens ont beaucoup appris, grâce aux interventions des experts et aux échanges avec leurs concitoyens, tandis que les élus vont pouvoir enrichir leur prise de décision grâce à un apport éclairé.
Pour nous, le droit de suite était primordial. Il fallait vraiment être sûr que nous allions pouvoir nous servir des contributions des citoyens.
[1] L’Armada de Rouen est le plan grand rassemblement de grands voiliers au monde. Cette manifestation se déroule tous les 4 ans. La dernière édition a eu lieu en juin 2023.

Qu’en était-il de la méthode ?
Isadora Guerra : Il a été proposé aux membres de la Convention de travailler sur deux aspects distincts, mais complémentaires : d’une part, l’élaboration de la vision du territoire de la Métropole dans laquelle ils souhaitent vivre en 2050 et d’autre part la conduite d’une réflexion approfondie sur plusieurs dilemmes concernant : l’aménagement du territoire, l'habitat et les mobilités ; le rapport aux risques d’inondation et industriels et le rapport à la nature ; l’attractivité du territoire, la consommation, le modèle de développement et l’énergie (consommation et production). Cette approche a permis aux citoyens de se mettre dans la peau des élus.
Après plusieurs séances de travail en sous-groupes, les citoyens ont abouti collectivement à une vision commune du territoire en 2050, et à un positionnement sur une échelle symbolique pour chaque dilemme.
Le postulat de départ était celui de réussir à concilier bien-être des citoyens et justice sociale et écologique, dans une situation de dérèglement qui nous impose des changements. Il fallait donc apporter un avis éclairé qui donnerait la possibilité aux élus de faire des choix à bon escient.
Qu'est-il ressorti de cette convention citoyenne ?
Isadora Guerra : La convention a porté ses fruits pour tous les différents acteurs.
Pour la Métropole et ses équipes, le simple fait de préparer chaque week-end de travail avec la convention a apporté de la matière pour l’élaboration des documents de planification. L’investissement des collègues en charge de ces différents documents a permis un travail d’itération permanent avec les citoyens.
Pour les citoyens, ça a été une expérience aussi enrichissante intellectuellement qu’humainement. A la fin de chaque week-end, ils étaient fatigués, mais avaient des étoiles dans les yeux !
Les élus ont également été très investis. Chaque session s’est terminée par un moment de restitution, en présence d’un ou plusieurs élus. Ceci constitue un point positif important de la méthode.
Le but de cette convention n’était pas de nourrir notre éco-anxiété. Malgré les chiffres alarmants, les citoyens n’ont pas perdu espoir car ils avaient des pistes de solutions. Ils ont été rassurés par la présence des élus, qui se sont montrés à l’écoute des propositions.
Enfin, la convention a apporté de la matière pour les autres axes de concertation. Nous avons pu discuter de ce qui en est ressorti avec les autres citoyens, les acteurs économiques et associatifs et alimenter davantage les idées.
Un « comité citoyen de suivi » a été mis en place à la suite de la convention. De quoi s’agit-il et qu’est-ce que ça apporte ?
Isadora Guerra : On ne pouvait pas se dire « merci, au revoir ». Il fallait trouver un moyen de faire un suivi. Les membres de la convention ont demandé que leur rapport soit rendu public et souhaitaient être informés des propositions qui allaient être retenues ou non.
Nous leur avons proposé de réfléchir ensemble à la manière dont leurs demandes pourraient aboutir. C’est ainsi qu’est né le comité citoyen de suivi.
Ce comité de suivi allait naturellement être composé de membres volontaires de la convention. Cependant, les membres ont souhaité y intégrer d’autres citoyens, n’ayant pas pris part au dispositif.
Le rapport de la convention a été publié, partagé et diffusé dans un communiqué de presse. Il a été présenté lors d’une réunion publique, retransmise en parallèle sur YouTube. Le replay de la réunion est encore disponible actuellement. Par la suite, un appel à volontaires pour rejoindre le comité de suivi a été lancé. Une centaine de personnes y ont répondu favorablement, ce qui a nécessité un nouveau tirage au sort !
A chaque étape de l’élaboration des documents de planification, les élus proposent au comité de suivi de relire et vérifier si les propositions de la convention citoyenne y sont intégrées. Nous avons organisé une première réunion en novembre sur le projet d’aménagement stratégique (PAS). Les citoyens étaient dans l’ensemble satisfaits. Ils ont pointé quelques axes d’amélioration, notamment sur le fait que le contenu était parfois un peu trop technique. En avril/mai/juin, il y aura d’autres séances de travail sur le document d’orientation et d’objectifs (DOO), le document d’aménagement artisanal, commercial et logistique (DAACL) et le programme d’actions air énergie climat (AEC).

Comment le lien va-t-il être fait avec les autres dispositifs de concertation grand public ?
Isadora Guerra : Le lien a été fait en partie grâce aux élus, mais surtout aux collègues en charge de l’élaboration des documents de planification qui tiennent une sorte de cahier de bord de l’ensemble des contributions citoyennes afin de garantir le droit de suite. Nous aurions aimé que le conseil de développement puisse rencontrer la convention citoyenne, mais ça n’a pas pu avoir lieu, faute de temps.
On a essayé d’être le plus transparent possible. Le grand public a été informé de la convention citoyenne. Parfois, on abordait dans les dispositifs grand public des éléments qui étaient ressortis de la convention.
J’aimerais aller plus loin, en proposant par exemple aux citoyens de la convention d’organiser des cafés débat pour sensibiliser d’autres citoyens aux enjeux de la transition sociale-écologique.
On a fait une vidéo de restitution de la convention, on a publié des témoignages.
Que retenez-vous de l'accompagnement de Res publica pour cadrer et animer la Convention ?
Isadora Guerra : Nous avons commencé à travailler sur la démarche par nous-même, puis nous avons démarré les travaux avec Res publica à partir de septembre 2023. L’accompagnement de Res publica a été indispensable. Ce fut très agréable de travailler avec eux car nous étions dans une discussion constante. Leurs propositions étaient pertinentes, mais ils étaient aussi à l’écoute de nos idées.
La mise en œuvre de la démarche a pris du temps mais c’était très important. La mise en récit, le travail sur les dilemmes, l’apport des experts, l’animation des débats (y compris dans les moments les plus compliqués), les restitutions… Tout ça a été possible grâce à un prestataire à qui nous avons pu faire pleinement confiance.
Écoute, dialogue… Res publica applique ses propres méthodes de participation citoyenne dans la mise en place des processus ! Et j’y adhère, car c’est la méthode que j’utilise avec mes équipes.

Gilles-Laurent RAYSSAC, Sophie GUILLAIN, Tania DESFOSSEZ,
Irene ROSSETTI, Marie CASANELLES et Frédéric FIATTE
Février 2025