Participation citoyenne des enfants et des jeunes
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La participation des enfants et des jeunes : un levier pour relever les enjeux et les défis de demain

Les enfants et les jeunes sont souvent les premiers oubliés des processus de participation citoyenne bien qu’ils soient des acteurs et des citoyens à part entière de la société et qu’ils représentent une part importante de la population française. En effet, 17,3 % de la population française est âgée de moins de 15 ans, et 34,8 % des Français ont moins de 30 ans.

Or, la faible présence voire l’absence des enfants et des jeunes dans ces démarches peut porter atteinte à la qualité de la concertation et des décisions prises pour deux raisons.

D’une part, la concertation vise à éclairer la prise de décision à partir de la diversité des points de vue des participants et en prenant en compte leurs besoins et leurs attentes. Les enfants et les jeunes contribuent à cette diversité puisqu’ils ont des usages et des visions du monde qui leur sont propres. Par ailleurs, ils forment un groupe social hétérogène en termes de genre, d’âge, d’origine sociale, de niveau de formation, d’environnement de résidence, d’expériences de vie, etc… L’implication des publics enfants et jeunes dans leur diversité permet d’élaborer des décisions plus inclusives, justes et efficaces.
D’autre part, la concertation met en discussion des sujets déterminants pour la qualité de vie future des citoyens (transition écologique, mobilités, urbanisme…). L’absence des enfants et des jeunes dans les dispositifs participatifs ne leur permet pas de s’approprier ces enjeux ni de s’exprimer sur des politiques publiques qui les concernent directement et auront des impacts sur leur vie future.

Longtemps non considérée, voire minimisée ou délégitimée, la parole des enfants et des jeunes est en voie d’acquérir ses lettres de noblesse. Au-delà d’être un droit, c’est l’expression et le pouvoir d’agir de générations entières sur la société qu’ils habiteront demain qu’il nous incombe d’accompagner en renforçant la culture de la participation des enfants et des jeunes en France. Cela ne pourra se faire sans la capacitation des jeunes à prendre la parole, ni sans un véritable portage politique des démarches et dispositifs de concertation et l’aide de relais, facilitateurs de l’expression des enfants et des jeunes.

Les bénéfices de la participation des enfants et des jeunes

Donner la parole aux jeunes et aux enfants est aujourd'hui incontournable pour entendre les générations concernées sur la société dans laquelle ils vivront, les impliquer dans la transition, former les leaders de demain, bénéficier de leur regard nouveau et stimuler l'innovation… Au-delà de l'intérêt pour les générations en place dans les affaires publiques à légitimer leurs propres visions de la société et de l’avenir, la réflexion que porte Res publica repose sur la parole pour la parole (sans restriction), les jeunes pour les jeunes, par les jeunes(en direct avec eux, sans trop d’intermédiaires, et en leur laissant la possibilité de s’organiser eux-mêmes…).
Ces dernières années, Res publica a organisé et animé plusieurs concertations impliquant des publics enfants et jeunes parce que nous sommes convaincus de la plus-value que leur parole apporte, à la fois pour les projets, pour les jeunes eux-mêmes et pour la société !

La participation citoyenne des enfants et des jeunes : une réelle capacité d’enrichissement des politiques et des projets publics

D’une part, la participation citoyenne des enfants et des jeunes donne une voix à une part de la population peu représentée dans les instances politiques et qui ne peut s’exprimer ou qui s’exprime moins par la voie traditionnelle des élections. Il nous paraît essentiel de recueillir la parole de ces publics en passant par des formes alternatives de participation. D’autre part, à partir de leur vécu, les enfants et les jeunes apportent un regard différent sur les politiques et les projets publics. A cet égard, Le Pôle Métropolitain de l’Artois soumet l’examen des projets candidats au label Euralens à trois comités : un comité des partenaires, un comité d’expertise et un comité composé de lycéens. Les avis émis par le Comité Lycéen revêtent une plus grande ambition environnementale et une attention particulière portée aux inégalités sociales que les avis émis par le Comité technique et le Comité d’expertise. Les lycéens apportent aussi un point de vue d’usager complémentaire à la perception des techniciens et des experts.

Comité lycéen
Comité lycéen
Comité lycéen organisé par le Pôle Métropolitain de l'Artois dans le cadre de la labellisation Euralens, 2022

Les jeunes peuvent également avoir des besoins et des attentes spécifiques liés à leur classe d’âge. Leur présence se révèle d’autant plus indispensable lorsque l’objet de la politique ou du projet mis en discussion les concerne ou les affecte directement. Nous avons pu le constater lors de la concertation sur l’élaboration de Génération Dijon, le nouveau projet éducatif de la Ville de Dijon, pour les enfants et les jeunes, de la naissance à 25 ans. La Ville de Dijon a affirmé sa volonté d’impliquer les premiers concernés dans l’élaboration de ce document. Des enfants, des adolescents et des étudiants ont ainsi participé activement aux ateliers grand public. De plus, des ateliers spécifiquement conceptualisés et animés à leur intention, ont permis de leur accorder une place particulière. L’un d’entre eux a rassemblé plus de 70 collégiens et lycéens de la 6ème à la terminale, issus de 8 établissements différents. Les contributions de ces derniers ont donc alimenté le nouveau projet éducatif de la Ville, au même titre que celles des professionnels, des parents et des élus et ont permis de faire émerger de nouvelles thématiques telles que la sécurité des jeunes femmes dans l’espace public.

Participation citoyenne enfants
Participation citoyenne des enfants Dijon
Atelier collégiens-lycéens à Dijon, débat mouvant, 2022

Dans le même esprit, la Région Ile-de-France a souhaité associer les premières personnes concernées à l’élaboration de son Schéma Directeur Régional Environnemental, document encadrant le développement de la Région à horizon 2040. Dans ce cadre, l’équipe de Res publica s’est rendue dans une trentaine de lycées et de CFA afin d’animer des ateliers ludiques et pédagogiques « Objectif 2040 ». Il s’agissait de sensibiliser les élèves, de leur permettre de s’approprier les notions liées à la transition écologique et à l’aménagement du territoire francilien et de les inviter à formuler les défis majeurs pour leur avenir dans la Région ainsi que des actions prioritaires selon eux.

SDRIF E concertation
SDRIF-e concertation
Ateliers« objectif 2040 » avec des lycéens et des apprentis franciliens, organisés par la Région Ile-de-France, 2023

Par ailleurs, le regard et l’apport des enfants et des jeunes dans l’élaboration des projets urbains de leur territoire sont disruptifs. Des études mettent en évidence que la ville est conçue par et pour les adultes. “L'écrasante majorité des enfants sont condamnés à jouer dans des espaces confinés appelés "aires de jeux", parfois ils s'échappent dans des friches et autres terrains vagues.” écrit Thierry Paquot (philosophe et professeur retraité de l’institut d’urbanisme de Paris) dans l’ouvrage La ville récréative. Construire des villes plus inclusives, avec des aménagements adaptés à toutes et tous requiert de considérer les enfants et les jeunes comme des parties prenantes à part entière des projets urbains. D’où la volonté de Res publica de créer et mettre œuvre des dispositifs spécialement dédiés aux plus jeunes à l’occasion de concertations urbaines.

Dans le cadre de la concertation impulsée par la Ville de La Baule-Escoublac autour du projet de réaménagement des espaces publics du Front de Mer, deux ateliers ont été organisés avec le Conseil municipal des jeunes, leur permettant de rencontrer la Maîtrise d’Œuvre et de produire des fresques pour illustrer leur promenade idéale sur le front de mer. Le dispositif a donné l’opportunité aux enfants (CM2-3ème) de s’approprier et de s’exprimer sur le projet et le travail des paysagistes et architectes : on apprend ainsi que plus que la végétation, ce sont le jeu et l’accessibilité qui prennent une place importante dans leurs attentes.

Concertation enfants La Baule
Atelier avec le CMJ, La Baule-Escoublac, 2021

Enfin, la Ville de Cherbourg-en-Cotentin a également fait appel aux jeunes de 14 à 18 ans lors de la concertation autour de l’avenir du centre-ville historique pour recueillir l’avis de jeunes habitants du territoire vivant l’espace public de manière différente. Recrutés par les structures accueillant des jeunes le mercredi après-midi, les participants ont pris part à une balade participative dans le centre-ville, suivie d’un « atelier ambiances-usages ». Les jeunes ont apprécié pouvoir donner leur avis sur le projet et les services de la Ville ont été agréablement surpris par la qualité des réflexions qui ont émergé des échanges. En réponse aux propositions émises par les participants face aux problématiques de mobilité rencontrées par les jeunes ne disposant pas du permis de conduire, la maîtrise d’ouvrage a mis en place un système de vélo libre-service de manière expérimentale.

Un apprentissage de la citoyenneté et un enrichissement personnel

Lorsque les jeunes participent, ils acquièrent une connaissance différente de leur territoire, découvrent le rôle des institutions et des politiques publiques. Ils se forment à la prise de parole en public, au débat et plus largement à l’exercice de la citoyenneté. Leur implication dans les démarches de concertation leur prodigue donc un apprentissage pratique de la démocratie et de ses principes : l’égalité, l’ouverture d’esprit, le respect de l’autre, l’argumentation et l’esprit critique. De surcroît, les enfants et les jeunes sont souvent ravis de rencontrer et d’échanger avec de nouvelles personnes. Cela s’est vérifié au Forum des jeunesses que nous avons organisé au niveau national où étaient réunis 200 jeunes de 18 à 35 ans, provenant de toutes les régions de France métropolitaine et d’Outre-mer. Lors d’un retour d’expérience effectué à la fin du processus, de nombreux participants ont partagé leur joie d’avoir eu l’opportunité d’acquérir des compétences sur les enjeux de la transition énergétique, de débattre et de nouer des liens avec des jeunes de tous horizons.

Les précautions à adopter dans la mise en œuvre des dispositifs de participation des enfants et des jeunes

L’expérience enjoint à porter une attention particulière à certains éléments lorsque nous nous engageons dans la mise en œuvre de concertation simpliquant des publics enfants et jeunes.

En premier lieu, la mobilisation des publics enfants et jeunes se révèle beaucoup plus complexe qu’avec des publics adultes, notamment pour des questions de disponibilité, de communication inadaptée à ces publics, du caractère peu habituel de ces démarches et de défiance politique. En ce sens, les structures accueillant un public jeune, telles que les institutions scolaires, les associations, les organes consultatifs de jeunesse, peuvent jouer un rôle facilitateur dans l’organisation des dispositifs. Le risque demeure malgré tout d’attirer des profils particulièrement homogènes ne reflétant pas la pluralité de la population jeune : enfants et jeunes issus de milieux privilégiés et/ou engagés dans la vie scolaire, étudiante ou publique (par exemple, délégués de classe, membres d’associations et d’instances lycéennes, étudiantes, politiques).

Des relais de mobilisation particuliers doivent être identifiés pour mobiliser des publics spécifiquement ciblés. Dans le cadre de notre mission auprès du Pôle Métropolitain de l’Artois, les établissements scolaires représentant les différentes agglomérations et les filières d’études (afin de cibler les jeunes scolarisés) ainsi que les missions locales et les structures accueillant des jeunes n’étant ni en formation ni en emploi ont été mobilisés.

Une autre solution consiste à recourir au tirage au sort. L’objectif est de concevoir un panel de participants illustrant la diversité des jeunesses à partir d’un certain nombre de critères. Ce système permet notamment d’inclure des jeunes éloignés des dispositifs de participation traditionnels. Le Forum des jeunesses que nous avons organisé, a de la sorte permis de réunir pendant 4 journées, des jeunes venus de toutes les régions de France métropolitaine et d’Outre-mer. Une partie de ces participants a été tirée au sort et sélectionnée sur plusieurs critères (genre, âge, CSP, niveau de formation, région habitée).

Des dispositifs peuvent également être conçus spécifiquement pour des publics jeunes particulièrement éloignés des instances scolaires. Par exemple, dans le cadre de l’appel à projets « Repérer et mobiliser les publics invisibles et en priorité les plus jeunes d’entre eux » lancé par le Ministère du Travail, Res publica a animé un comité des bénéficiaires pendant deux jours, rassemblant une vingtaine de jeunes venus de trois régions, choisis pour la proximité de leurs profils avec ceux ciblés par les candidats de l’appel à projets. Les jeunes participants ont auditionné 14 porteurs de projet et ont débattu du respect des critères de sélection à partir d’une grille préétablie, contribuant ainsi à la sélection des lauréats de l’appel à projets.

En deuxième lieu, la conception et l’animation des dispositifs participatifs doivent respecter certains prérequis des concertations traditionnelles, mais en y portant une attention d’autant plus particulière vis-à-vis des jeunes :
Tout d’abord, la pédagogie et la vulgarisation des connaissances sont à privilégier. L’accent doit être mis entre autres sur l’utilisation d’un langage accessible à toutes et tous.
Ensuite, l’attention des enfants et des jeunes doit être captée en les rendant actifs et acteurs. Cela implique de recourir à des modalités d’animation interactives, dynamiques et/ou ludiques d’une part, et d’éviter les contenus trop denses et les présentations trop descendantes, qui facilitent la déconcentration des participants, d’autre part. Il est également important de créer un climat de confiance et des conditions favorables à la prise de parole de chacune et chacun. Le dispositif participatif ne doit pas reproduire une classe d’école, où les élèves les plus à l’aise à l’oral et/ou ayant le plus de connaissances monopolisent la parole. L’animateur doit ainsi veiller à une répartition équitable de la parole et concevoir des formats favorisant l’expression de chacun et chacune. Enfin, la conception d’outils pédagogiques ou de serious game aidant les enfants et les jeunes à s’approprier les sujets et les enjeux mis en discussion permet de se forger une opinion et de produire des contributions de qualité utiles au projet. 

Pour toutes ces raisons, la conception et l’animation par un tiers formé aux démarches participatives à destination des enfants et des jeunes s’avèrent particulièrement pertinents.

PMA Participation citoyenne des jeunes
Participation citoyenne des enfants et des jeunes
À gauche : Réalisation d’une fresque de l’industrie lors d’un atelier organisé par le Pôle Métropolitain de l’Artois, 2023
À droite : un Forum des jeunesses organisé au niveau national


En dernier lieu, nous constatons que, comme tous les publics, les attentes des enfants et des jeunes concernant la prise en compte de leurs contributions sont très fortes
(« Nos contributions seront-elles vraiment prises en compte ? » demande une collégienne dijonnaise en s’adressant à un élu). Ces derniers craignent également d’être instrumentalisés à des fins politiques. Il revient aux élus et aux commanditaires des démarches participatives de donner de la valeur et du crédit à l’investissement et à la parole des enfants et des jeunes, au risque de les voir se détourner de la vie civique et politique. Une forme de reddition des comptes renforcerait la relation de confiance entre jeunes et vie civique, par exemple à travers la création de formats permettant aux enfants et aux jeunes de suivre voire d’être associés à la mise en œuvre des projets auxquels ils ont contribué.



Depuis les 30 dernières années, la place des enfants et des jeunes dans la société a considérablement évolué. L’élévation du niveau d’instruction et l’essor des médias sociaux, en particulier d’internet, leur ont donné un accès direct à une quantité non négligeable de connaissances et d’informations. Cela leur a aussi permis une prise de parole et des échanges directs, en dehors des cadres organisés (écoles, études, organisations de jeunesses, syndicats…). Enfin, l’urgence climatique et l’incertitude face à l’avenir les motivent à s’engager et à prendre la parole sous des formes renouvelées. Le constat du désengagement aux élections et de la montée des mouvements pour le climat et la justice sociale, nous incitent à revoir également les cadres de la parole donnée pour intégrer davantage les jeunes aux décisions d’avenir. Nous nous engageons à Res publica à accorder une place entière aux enfants et aux jeunes au sein de nos missions en renouvelant les méthodes. Mais surtout nous inscrivons les jeunes dans les dispositifs qu’ils nous proposent et contribuent avec nous à co-construire. Nous ne donnons pas seulement la parole, nous prenons celle qui s’exprime et sommes ouverts à toutes nouvelles formes de débat qui nous surprendra. C’est à cette condition d’ouverture que nous comprenons les motifs de la défiance des jeunes envers les décisions politiques et trouvons avec eux les leviers pour changer la manière de faire de la politique. Enfin, aller vers les jeunes c’est aussi organiser le dialogue intergénérationnel, partager les expériences et connaitre le monde que nous leur léguons. C’est former et armer l’avenir face à des enjeux très complexes. C’est surtout parier sur leur capacité à nous former à leurs propres compétences !

Gilles-Laurent RAYSSAC, Tania DESFOSSEZ et Camille BOURDIER
2023
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